
L’Eglise catholique s’engage à condamner les prêtres pédophiles
Dans un texte adopté jeudi 9 novembre, la Conférence épiscopale souhaite voir les ecclésiastiques coupables de pédophilie
« répondre de leurs actes devant la justice ». « Il est nécessaire qu’ils réparent le mal qu’ils ont fait », insiste le texte
LOURDES
de notre envoyé spécial
L’Église catholique est décidée à
« rompre le silence » sur la question
de la pédophilie. Mgr Louis-Marie
Billé, président de la Conférence
épiscopale, l’avait laissé entendre
le 25 octobre en présentant, par
avance, les travaux de l’assemblée
annuelle des évêques à Lourdes :
« La pédophilie suscite le silence qui
lui permet de perdurer. Il faut voir ce
que l’Eglise peut apporter à la
réflexion de la société […] pour rom-
pre le silence et réagir sur le plan
canonique, dans ses rapports avec la
justice et au plan moral. » Dans une
déclaration adoptée jeudi 9 novem-
bre en assemblée plénière, les évê-
ques affirment clairement que « les
prêtres qui se sont rendus coupables
d’actes à caractère pédophile doi-
vent répondre de ces actes devant la
justice. Il est nécessaire qu’ils répa-
rent le mal qu’ils ont fait et portent le
poids de la peine infligée par l’Eglise
et par la société ». Le rôle de l’évê-
que dans ces affaires impliquant
des prêtres est, lui aussi, nettement
défini : « Il ne peut ni ne veut rester
passif, encore moins couvrir des
actes délictueux. »
Les évêques précisent cependant
que « la pédophilie est un phénomè-
ne encore mal connu. Elle se cache.
Elle s’avoue rarement. Souvent, il
n’est pas facile à un évêque de réu-
nir les éléments suffisants et sûrs lui
permettant de savoir si un prêtre a
effectivement commis des actes à
caractère répréhensible. »
Dans cette déclaration, qui a
valeur d’engagement, les évêques
réaffirment que l’Eglise catholique
« condamne absolument » les actes
de pédophilie, qui sont « profondé-
ment destructeurs » pour les
enfants. « Nous tenons à redire
notre volonté de veiller avec soin à
ce que de tels actes ne se produisent
pas, ne se reproduisent plus. […]
Dans la ligne du travail de notre
assemblée de Lourdes, nous allons
poursuivre notre recherche sur la
pédophilie et ses manifestations, sur
le soutien à apporter aux victimes et
à leurs familles, sur la prévention,
l’information et la formation des prê-
tres, sur le mode d’intervention des
évêques. »
La déclaration adoptée jeudi
devrait donc être un point de
départ. « Nous avons voulu dire un
certain nombre de choses que nous
jugions importantes, en espérant fai-
re la clarté sur la manière dont l’Egli-
se appréhende ce phénomène »,a
expliqué Mgr Billé. « Nous allons
poursuivre la réflexion sur ce que
nous devons faire quand un tel pro-
blème se pose. »
UN ÉLECTROCHOC
L’évêque d’Evry, Mgr Michel
Dubost, dans un entretien à l’heb-
domadaire La Vie daté 9 novem-
bre, a déjà émis plusieurs proposi-
tions : mise en place, au niveau
national, d’un comité d’aide aux
victimes, nécessité d’un procès
canonique (selon le droit ecclésial).
Dans son diocèse, Mgr Dubost
envisage la nomination d’un média-
teur.
L’initiative des évêques de Fran-
ce fait suite à une série de procédu-
res judiciaires et de jugements
impliquant des prêtres : condamna-
tion de l’abbé Maurel à Rodez, con-
damnation de l’abbé Bissey à
Caen. Le père Stanislas Lalanne,
porte-parole de l’épiscopat, estime
« entre vingt et trente » le nombre
d’affaires judiciaires en cours con-
cernant des prêtres pour des faits
de pédophilie.
Mais l’événement déclencheur
de cette prise de conscience a été la
mise en examen, au mois de jan-
vier, de Mgr Pierre Pican, évêque
de Bayeux et de Lisieux (Calvados),
pour non-dénonciation de viols et
d’agressions sexuelles sur mineurs,
dans l’affaire concernant l’abbé Bis-
sey (Le Monde du 2 février 2000).
Au mois de mars, Mgr Billé a déci-
dé la mise en place d’un groupe de
travail sur la question de la pédo-
philie. Composé notamment de
Marie-Jo Thiel, docteur en médeci-
ne et en théologie, d’Olivier Echap-
pé, magistrat et professeur associé
à la faculté de droit canonique de
l’Institut catholique de Paris, de
Mgr Jean-Louis Bruguès, théolo-
gien moraliste et évêque d’Angers
(Maine-et-Loire), le groupe était
piloté par Mgr Jacques David, évê-
que d’Evreux (Eure). Il a rendu ses
conclusions avant l’assemblée de
Lourdes, sous la forme d’un rap-
port de deux cents pages, remis à
chaque évêque. Ce document confi-
dentiel se compose d’une synthèse
et d’une quinzaine de contribu-
tions d’experts.
Munis de ce rapport, les évêques
ont consacré une première séance
de leur assemblée plénière, mardi
7 novembre, à mieux connaître ce
qu’était la pédophilie. Le docteur
Marie-Jo Thiel leur a fourni des
clés de compréhensions, dans un
exposé axé sur le profil du pédophi-
le pervers, atteint d’un clivage de
personnalité. Son intervention a
fait l’effet d’un électrochoc. «Onse
fait avoir par des types comme ça »,
avouait un évêque à la sortie.
« Depuis trente ans que je suis les tra-
vaux de l’assemblée, c’est la premiè-
re fois que j’assiste à une séance qui
suscite autant de réactions et autant
de questions », confiait, pour sa
part, l’évêque émérite d’Agen,
Mgr Saint-Gaudens. « Non pas à
cause de l’étendue du phénomène,
précisait-il, mais parce qu’il s’agit
d’une question compliquée. »
Le débat a repris jeudi 9 novem-
bre, et les évêques ont mis au point
et voté la déclaration sur la pédo-
philie. « C’est un tournant », estime
l’un des membres du groupe de tra-
vail. « Les évêques y voient plus
clair. L’idée prévaut désormais que
l’évêque doit contribuer à ce que jus-
tice se fasse. »
De fait, la question du secret
(secret professionnel, qui s’éten-
drait pour les prêtres aux confiden-
ces reçues en confession et hors
confession), qui avait été mis en
avant par les évêques après la mise
en examen de Mgr Pican, est pas-
sée au second plan. Dès janvier, en
effet, le diocèse de Bayeux avait
estimé dans un communiqué que
l’affaire impliquant son évêque sou-
levait « des questions graves et déli-
cates ayant notamment trait à la pla-
ce et au rôle du secret dans notre
société ». Plusieurs évêques, parmi
lesquels Mgr Joseph Duval, arche-
vêque de Rouen, avaient emboîté
le pas. Dans la déclaration adoptée
jeudi, le mot « secret » ne figure
même pas. « Nous avons le senti-
ment, à tort ou à raison, que la ques-
tion du secret est incompréhensible
par la société actuelle », expliquait
un évêque à l’issue des débats. Si
les évêques sont encore très hosti-
les à l’éventualité de « dénoncer »
un de leurs prêtres, la possibilité
d’un « signalement » n’est plus
taboue. Une phrase de la psychana-
lyste Françoise Dolto est revenue
plusieurs fois dans les débats et a
frappé les esprits : « Tout secret
sécrète des perversions, il est par
nature malsain, pathogène. »
X. T.
Hervé Giraud, supérieur du séminaire universitaire de Lyon et secrétaire du Conseil national des grands séminaires
« Je ne crois pas que l’état de célibataire renforce ou diminue les pulsions »
L’appel à « l’éveil des consciences » de l’évêque de Belfort
« Pouvez-vous jouer un rôle de
prévention en repérant, parmi les
séminaristes candidats au sacer-
doce, ceux qui sont susceptibles
d’avoir des tendances pédophi-
les ?
– Il est très difficile de déceler la
pédophilie. Nous ne pouvons nous
fonder que sur des témoignages
précis ou des indices qui nous met-
tent en alerte. Tout simplement par-
ce qu’il est dans la nature de la
pédophilie de ne pas susciter des
paroles claires : le pédophile mini-
mise systématiquement ses actes. Il
avouera par exemple “quelques
caresses”, ou encore “avoir touché
un genou”, sans aller plus loin.
– Quelles mesures prenez-vous
pour déceler d’éventuelles ten-
dances pédophiles et exclure les
jeunes qui les présentent ?
– Nous sommes peut-être la seu-
le institution d’éducation à offrir
une formation intégrale des person-
nes. Je veux dire par là que notre
formation a une dimension à la fois
intellectuelle, spirituelle et affecti-
ve. L’éducation affective des sémi-
naristes passe par plusieurs voies.
La vie communautaire tout
d’abord : à travers l’ordinaire de la
vie en commun et la relation aux
autres, le séminariste révèle une
part de lui-même. Des sessions de
formation psychologique sont éga-
lement prévues dans les program-
mes. Le supérieur du séminaire est
amené à poser aux jeunes des ques-
tions précises sur leur vie affective,
sur leur rapport aux femmes. Il leur
demande d’en parler avec leur direc-
teur spirituel, et aussi d’en débattre
librement entre eux. Les séminaris-
tes ont aussi la possibilité d’avoir
un entretien particulier avec un psy-
chologue, et même de suivre une
psychothérapie.
» Un séminariste ayant des ten-
dances pédophiles ne pourra pas,
naturellement, être admis au sacer-
doce. Nous donnons aussi aux
futurs prêtres un certain nombre de
conseils de prudence : ne pas
embrasser les enfants du catéchis-
me. Ne pas être le seul adulte à
accompagner et à encadrer un
camp de jeunes. Ne pas répondre
sur le même registre aux rapports
de séduction. D’une manière géné-
rale, nous leur demandons de faire
tout au grand jour, en public et en
toute clarté. Dans une société où
les repères sont flous, il est impor-
tant de tenir compte des codes rela-
tionnels. Par exemple, un geste ne
sera pas vécu de la même façon par
celui qui le pose et par celui qui le
reçoit : ça n’a pas le même sens de
tenir la main à une personne âgée
mourante et de prendre celle d’un
enfant ou d’un adolescent.
– Est-il possible que certains
cas échappent à votre vigilance ?
– Nous avons affaire à des hom-
mes dont certains peuvent avoir
une capacité à cacher, volontaire-
ment ou involontairement, leurs
tendances. Nous prenons les
moyens à notre disposition pour
juger quels sont ceux qui seront
aptes à l’exercice du sacerdoce.
Mais il peut arriver que certains pas-
sent à travers les mailles du filet.
Nous ne pouvons pas non plus tom-
ber dans une attitude inquisitoriale.
– Quel rôle peut jouer l’accom-
pagnateur spirituel ou le
“confesseur” ?
– Paradoxalement, ce n’est pas
forcément lui qui est le mieux placé
pour découvrir des tendances pédo-
philes. On croit que le confesseur
sait tout parce qu’il est dans la con-
fidence. Mais un pédophile ne s’ac-
cusera pas nécessairement de fau-
tes graves en confession, simple-
ment parce qu’il n’aura pas
conscience de leur gravité. Sou-
vent, une personne extérieure sera
mieux à même de repérer un com-
portement suspect chez quelqu’un,
à partir de petits faits objectifs. Par
exemple, au cours d’une expérience
d’insertion en paroisse ou d’un
camp d’été. Avertis, nous cher-
chons à en savoir davantage. Nous
pouvons alors nous fonder sur une
convergence d’actes et de faits.
C’est pourquoi nous comptons
beaucoup sur la vie ordinaire, sur le
temps de la confiance. Il peut arri-
ver qu’à un moment une personne
révèle un indice utile pour nous. La
formation au séminaire dure six
ans. Si, pendant cette durée, nous
n’arrivons pas à déceler les jeunes
qui ont un problème, si cela nous
échappe, c’est que cela échappera à
tout le monde, et même aux psycho-
logues.
– Le célibat imposé aux prêtres
contribue-t-il à renforcer les ten-
dances pédophiles chez ceux qui
en ont déjà ?
– Je ne crois pas que l’état de céli-
bataire renforce ou diminue les pul-
sions. La pédophilie est liée à une
structure psychologique profonde,
souvent issue de blessures archaï-
ques qui remontent à l’enfance.
Une vie sexuelle peut renforcer ces
pulsions, tout autant que le célibat.
On relève d’ailleurs autant de cas de
pédophilie chez les hommes mariés
que chez les célibataires. Nous favo-
risons beaucoup les débats sur le
célibat, afin que les séminaristes
soient très clairs sur ce sujet. Ont-
ils évalué leur capacité à effectuer
ce choix ? Seront-ils capables de
vivre leur célibat dans la durée de
manière heureuse ?
– Les jeunes que vous
accueillez entrent de plus en plus
tard au séminaire, en ayant vécu
parfois des expériences affectives
fortes. Est-ce que cela change
leur rapport aux questions tou-
chant à la sexualité ?
– Dans mon séminaire, la moyen-
ne d’âge des étudiants est de vingt-
neuf ans. Je constate une évolution
sur les questions affectives. Nous
restons assez discrets sur le passé
de nos séminaristes. Nous souhai-
tons qu’ils en parlent avec leur
accompagnateur spirituel, qu’ils en
fassent une évaluation sereine. En
tout cas, ce n’est pas un sujet
tabou. Il est plus facile que par le
passé de parler des questions qui
touchent au corps, à l’affectivité et
à la sexualité. Les jeunes ont une
grande connaissance de ces sujets,
ce qui ne veut pas dire pour autant
qu’ils ont atteint une maturité affec-
tive. »
Propos recueillis par
Xavier Ternisien
« Le secret de la confession est inviolable », a réaffirmé, jeudi 9
novembre, Mgr Billé. L’Eglise catholique n’est pas prête à remettre en
cause ce pilier du droit canonique, condition indispensable, selon
elle, de la confiance des fidèles. D’autant que dans l’affaire impli-
quant Mgr Pican le secret de la confession n’est pas en cause. Une
règle en vigueur dans l’Eglise veut en effet qu’un évêque ne confesse
pas ses prêtres. Les confidences de l’abbé Bissey ont donc été reçues
hors du cadre de la confession. D’un point de vue juridique, la ques-
tion est de savoir si les ecclésiastiques peuvent invoquer le secret pro-
fessionnel, reconnu au clergé comme à d’autres professions, pour des
propos tenus hors confession. L’avocat de Mgr Pican, M
e
Thierry Mas-
sis, interrogé par Le Monde, précise que « la question du secret n’est
qu’un élément de la défense » de son client. M
e
Massis lui-même ne
parle plus du « respect du secret » mais préfère mettre l’accent sur ce
qu’il appelle « l’option de conscience »
.
Un conseil de sécurité intérieure
se tiendra à Matignon, le 13 novem-
bre, sur les violences et atteintes
sexuelles à l’encontre des mineurs.
L’occasion de dresser un bilan de
l’application de la loi de juin 1998
sur la prévention et la répression
des infractions sexuelles : elle ins-
taure un suivi socio-judiciaire desti-
né à empêcher la récidive des délin-
quants sexuels ; prévoit l’enregis-
trement vidéo des témoignages
des mineurs victimes ; aggrave les
peines encourues pour agressions
sexuelles et pour diffusion d’ima-
ges pornographiques ; et crée un
fichier d’empreintes génétiques
des condamnés pour infractions
sexuelles. Ségolène Royal, ministre
déléguée à la famille et à l’enfance,
devrait rappeler les mesures pré-
sentées le 26 septembre contre les
violences sexuelles sur mineurs en
institution.
Du secret de la confession au secret professionnel
Le supérieur
du séminaire
est amené à poser
des questions précises
sur la vie affective
des séminaristes
PÉDOPHILIE
La Conférence des
évêques, réunie à Lourdes, a décidé
de rompre le silence sur la pédophilie.
b DANS une déclaration adoptée, le 9
novembre, les évêques affirment clai-
rement que « les prêtres qui se sont
rendus coupables d’actes à caractère
pédophile doivent répondre de ces
actes devant la justice ». b QUANT À
L’ÉVÊQUE, son rôle dans ces affaires
est nettement défini : « Il ne peut ni
ne veut rester passif, encore moins
couvrir des actes délictueux. » b CET-
TE INITIATIVE fait suite à une série
de procédures judiciaires impliquant
des prêtres. Après la condamnation,
en septembre du père André Montri-
chard, l’évêque de Belfort a diffusé
un communiqué pour, explique-t-il,
appeler à l’ « éveil des conscien-
ces ». b HERVÉ GIRAUD, supérieur
du séminaire universitaire de Lyon,
explique comment l’Eglise s’emploie
à écarter les séminaristes qui présen-
tent des tendances pédophiles.
Un conseil de sécurité
intérieure
LOURDES
de notre envoyé spécial
Le 24 octobre, le Père André Montrichard était
condamné à huit ans de prison par la cour d’assi-
ses de Haute-Saône et du Territoire de Belfort.
Ancien curé de la paroisse Sainte-Thérèse de Bel-
fort, il était accusé de viols et agressions sexuel-
les sur trois mineurs. Le lendemain, l’évêque du
diocèse, Mgr Claude Schockert, diffusait un com-
muniqué dans lequel il invitait les chrétiens à
« engager une véritable conversion de [leurs] juge-
ments et de [leurs] comportements » : « Notre Egli-
se elle-même voit apparaître ses faiblesses et ses
manques : communautés chrétiennes insuffisam-
ment fraternelles, solitude des prêtres, manque de
partage sur ce qui fait leur vie, manque de forma-
tion à l’accompagnement des jeunes et des
familles. » Dans ce texte, l’évêque de Belfort-
Montbéliard soulignait que « le procès, difficile
mais serein, ne laisse personne indemne », mais il
estimait que les débats avaient « permis de faire
la vérité ». Le communiqué de l’évêque a été dis-
tribué dans toutes les paroisses, pour être lu en
chaire ou inséré dans le bulletin paroissial.
Le Père Montrichard était très populaire dans
le diocèse. On l’appelait le « super-curé »,on
disait de lui qu’il « passait » très bien auprès des
jeunes. Après sa mise en examen, il a reçu plus
de deux mille lettres de soutien, selon ses avo-
cats. Au procès, les fidèles se sont déplacés en
masse pour le soutenir par leur présence.
« LE DÉBUT D’UNE PRISE DE CONSCIENCE »
L’évêque de Belfort explique aujourd’hui qu’il
a voulu « éveiller les consciences » par son com-
muniqué : « La communauté chrétienne a été très
marquée psychologiquement. Ceux qui ont appor-
té leur soutien au Père Montrichard avaient de
bonnes intentions : ils voulaient témoigner de leur
amitié, et aussi du sens de la miséricorde. Mais les
faits sont là. On ne peut pas faire l’économie de ce
qui est. On ne peut pas laisser de côté le traumatis-
me subi par les victimes. » A travers la publication
de son texte, Mgr Schockert a souhaité aussi met-
tre l’accent sur les « faiblesses » de l’Eglise : «La
fraternité que nous pratiquons dans nos commu-
nautés chrétiennes n’est pas toujours constructi-
ve », développe-t-il. « C’est trop ou pas assez. Par-
fois, nous n’entourons pas suffisamment nos prê-
tres et nous les laissons dans une situation de solitu-
de qui les fragilise ; d’autres fois, une amitié aveu-
gle pour le prêtre peut nous faire oublier ou minimi-
ser les faits qui lui sont reprochés. » L’évêque de
Belfort-Montbéliard aimerait maintenant pou-
voir aborder avec ses prêtres « les questions tou-
chant à la sexualité et à l’affectivité. Parce que,
explique-t-il, ces sujets ne faisaient pas partie de
la formation que beaucoup d’entre nous ont reçue
au séminaire. » Mgr Schockert se félicite de l’ini-
tiative prise par les évêques d’aborder de front le
problème de la pédophilie au cours de leur
assemblée plénière : « Nous sommes au début
d’une prise de conscience. L’initiative de Lourdes
vient combler un vide. Mais l’Eglise n’est pas en
retard de ce point de vue-là, par comparaison
avec d’autres institutions. »
A l’issue du procès de Belfort, la présidente du
tribunal s’est tournée vers les victimes, en leur
disant : « J’ose vous dire que votre avenir n’est pas
fichu. Vous pouvez le reconstruire si vous vous en
donnez les moyens. » Puis elle s’est tournée vers
le prêtre condamné et lui a tenu le même dis-
cours.
X. T.
SOCIÉTÉ
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LE MONDE / SAMEDI 11 NOVEMBRE 2000
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