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6 / LE MONDE / SAMEDI 11 NOVEMBRE 2000 INTERNATIONAL
Sévères réquisitions contre
dix-sept intellectuels lors
d’un procès politique en Iran
Certains encourent la condamnation à mort
L’AFFAIRE avait fait grand
bruit en son temps en Iran, mais la
notification des accusations por-
tées contre les intéressés ayant été
étalée sur plusieurs semaines, la
gravité de ce qui les attendait
n’avait pu être appréciée à sa juste
mesure : dix-sept intellectuels, de
la mouvance réformatrice pour la
plupart – dont six femmes –,
risquent des peines allant d’une
dizaine d’années de prison à la
condamnation à mort, selon les
réquisitions du procureur.
Jeudi 9 novembre, deux d’entre
eux ont comparu séparément de-
vant le tribunal révolutionnaire de
Téhéran : il s’agit de l’écrivain et
éditorialiste le plus célèbre et le
plus audacieux de la République
islamique, Akbar Ganji, et de Kha-
lil Rostam-Khani, ancien militant
communiste. Depuis le 4 no-
vembre, ils sont quatorze à avoir
comparu devant le tribunal révo-
lutionnaire de Téhéran : Mehran-
giz Kar, avocate, Chala Lahidji,
éditrice, Chala Sherkat, directrice
du magazine Zanan, Monirou Ra-
vanipour, romancière, Khadija
Moghaddam, chercheuse, Jamileh
Kadivar, députée et épouse du mi-
nistre de la culture, Ezatollah Sa-
habi, directeur de la revue Iran
e Farda, Hamid Reza Jalaïpour et
Alireza Alavitabar, journalistes,
Fariborz Raïs-Dana, économiste,
Saïd Sadr, interprète à l’ambas-
sade d’Allemagne à Téhéran,
Mahmoud Dowlatabadi, roman-
cier, Mohamad Ali Sepanlou,
poète, et Ali Afshari, dirigeant
d’une association d’étudiants. Le
dix-septième, le religieux Hassan
Youssefi Echkevari, avait comparu
début octobre devant le tribunal
spécial pour religieux. MM. Ros-
tam-Khani, Sadr et Echkevari, ac-
cusés, entre autres, d’être des mo-
harebs (combattants contre Dieu),
risquent la peine de mort.
N’appartenant à aucun courant
politique, MM. Rostam-Khani et
Sadr sont accusés d’avoir participé
à l’organisation, par l’Institut
Heinrich-Böll, d’une conférence
sur l’Iran, en avril, à Berlin. Les
autres sont coupables d’avoir pris
part à ce forum, non pas tant à
cause des propos qu’ils y ont te-
nus – et qui, pour la plupart,
n’étaient pas plus audacieux que
ce que disent les réformateurs en
Iran même – que parce que des
opposants en exil, au sein de l’au-
ditoire, se sont livrés à des actes
de provocation jugés « anti-isla-
miques » à Téhéran. Ils sont ac-
cusés d’avoir agi contre «la sé-
curité nationale », ce que tous
récusent. En réalité, le « crime »
dont ils sont jugés coupables par
une justice toujours sous strict
contrôle du courant conservateur
est la défense des libertés. Cer-
tains d’entre eux avaient été lais-
sés en liberté sous caution après
avoir été entendus par le tribunal
à leur retour de Berlin. D’autres
avaient été incarcérés pendant
quelques semaines, puis libérés
sous caution en attendant leur
procès. Seuls MM. Ganji et Echke-
vari avaient été maintenus en dé-
tention jusqu’au procès. En
comparaissant, jeudi, devant le
tribunal, M. Ganji, qui est égale-
ment poursuivi pour ses investiga-
tions sur les assassinats politiques
dans son pays, s’est plaint de sé-
vices corporels, d’avoir été « bat-
tu ». Placé en isolement depuis
trois mois, il a affirmé n’avoir pu
rencontrer ni sa famille ni son
avocat.
DES CHARGES ARBITRAIRES
« Au regard du caractère inique
des procès (huis clos, négation du
droit de la défense) », la Fédération
internationale des ligues des
droits de l’homme et l’Organisa-
tion mondiale contre la torture,
dans le cadre de leur programme
conjoint, l’Observatoire pour la
protection des défenseurs des
droits de l’homme, ont souhaité
mandater une mission d’observa-
tion judiciaire au procès d’Akbar
Ganji. Mais ils n’ont pas obtenu de
visa pour se rendre en République
islamique, indique un communi-
qué de l’Observatoire publié à Pa-
ris.
Jugeant que les charges rete-
nues contre les intéressés sont
« arbitraires, car elles ne visent
qu’à sanctionner leurs prises de po-
sition et activités en faveur des
droits de l’homme et de la démo-
cratie en Iran », l’Observatoire de-
mande aux autorités iraniennes de
veiller à l’abandon de ces charges
ou, dans le cas contraire, de « ga-
rantir le droit à un procès juste et
équitable », et de respecter les dis-
positions de la Déclaration sur les
défenseurs des droits de l’homme
et de la Déclaration universelle
des droits de l’homme.
Rappelant que deux des plus cé-
lèbres avocats de la République is-
lamique, défenseurs des libertés,
Chirine Ebadi et Mohsen Rahami,
ont été récemment condamnés à
quinze mois de prison avec sursis
et cinq ans de privation de leurs
droits civiques, dont celui d’exer-
cer leur profession, l’Observatoire
demande à « la communauté des
Etats et notamment à l’Union euro-
péenne, de faire pression sur les au-
torités iraniennes » afin que
cessent les abus.
Mouna Naïm
Matignon soutient politiquement et financièrement Abidjan
BRAZZAVILLE a brûlé, mais
Abidjan sera sauvé. Pour la pre-
mière fois depuis l’arrivée à Mati-
gnon de Lionel Jospin, le gouverne-
ment français se mobilise pour
secourir un pays africain menacé
d’apoplexie, la Côte d’Ivoire. Déci-
dé par le premier ministre, l’enga-
gement français, tant politique que
financier, est sans précédent : selon
les informations recueillies par Le
Monde, le ministre délégué à la
coopération, Charles Josselin, se
rendra, mardi 14 novembre, à Abid-
jan pour s’entretenir avec le pré-
sident Laurent Gbagbo, élu le
22 octobre dans des conditions
controversées.
Ace « geste fort de reconnais-
sance » s’ajouteront des moyens
importants. « En raclant les fonds de
tiroirs », Paris a constitué une ca-
gnotte d’environ 800 millions de
francs. Destinés à « remettre la Côte
d’Ivoire à flot », ces fonds devront
être déboursés au lendemain des
élections législatives du 10 dé-
cembre, qui auront valeur de test
sur la nature démocratique du nou-
veau régime ivoirien.
Plusieurs tabous volent en éclats.
Pour commencer, Matignon affirme
sa prééminence en matière de poli-
tique africaine, jusqu’alors chasse
gardée de l’Elysée à l’intérieur
même du « domaine réservé » qu’a
été, longtemps, la politique étran-
gère. Certes, le premier ministre
avait déjà pris des initiatives, no-
tamment en faveur du Niger ou du
Burundi, quitte à puiser dans ses
fonds secrets. Mais la Côte d’Ivoire
– pays-clé en Afrique de l’Ouest –
constitue un défi d’une tout autre
dimension. Or, bien que le premier
ministre et le président se soient
entendus pour faire cesser, à Paris,
la querelle de légitimité autour de
M. Gbagbo, soutenu par ses «ca-
marades » du Parti socialiste et
contesté par des ténors du RPR,
leur décalage reste béant : « En at-
tendant la fin de la période électo-
rale, avec les législatives en dé-
cembre », l’Elysée n’a pas envoyé
de télégramme de félicitations à
Laurent Gbagbo, président investi
depuis deux semaines qui s’apprête
à accueillir, dans trois jours, un mi-
nistre de la République...
SUR TOUS LES FRONTS
Par ailleurs, la « doctrine Balla-
dur » sera battue en brèche. En
1993, l’ancien premier ministre
avait édicté comme principe, res-
pecté depuis, que les pays africains
devaient être en règle avec le Fonds
monétaire international (FMI) et la
Banque mondiale pour pouvoir
prétendre à l’aide bilatérale. Ce fut
la fin des « rallonges budgétaires »,
débloquées par Paris pour sauver
des « régimes amis ». Mais, pour la
Côte d’Ivoire, la France est prête à
débourser une somme importante,
précisément pour permettre le
remboursement d’arriérés et, ainsi,
« réamorcer la pompe ».
Certes, la charité est bien ordon-
née. 600 millions de francs iront à
l’Agence française de développe-
ment (AFD) pour qu’elle puisse,
sans violer ses statuts, reprendre
ses financements. Mais environ
175 millions de francs serviront à
éponger les arriérés auprès de la
Banque mondiale qui, à son tour, a
suspendu le décaissement de ses
fonds d’aide (Le Monde du 4 no-
vembre). Enfin, au-delà de cette in-
génierie financière, la France monte
en première ligne sur tous les
fronts. Charles Josselin a annoncé,
mercredi 8 novembre, que Paris
comptait mobiliser pour la Côte
d’Ivoire « tous les administrateurs
européens » au sein des institutions
de Bretton Woods (FMI et Banque
mondiale).
« J’espère que, dans les semaines à
venir, nous pourrons aider la Côte
d’Ivoire à sortir d’une situation
préoccupante », a ajouté le ministre
délégué à la coopération. Lequel
s’était déjà rendu à Bamako, le
3 novembre, pour persuader le chef
de l’Etat malien, Alpha Oumar Ko-
naré, actuellement aussi président
de la Communauté économique
des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(Cedeao), de reconnaître la légiti-
mité de Laurent Gbagbo. « On ne
s’engagerait pas sans le soutien des
pays de la région », souligne une
source autorisée à Paris, qui précise
que « les consultations avec le Nige-
ria ont été permanentes ».
En Europe, le « soutien » de la
Grande-Bretagne serait acquis et
les Etats-Unis, d’abord favorables à
un nouveau scrutin présidentiel en
Côte d’Ivoire pour donner sa
chance à l’ex-premier ministre
Alassane Ouattara, adopteraient fi-
nalement « une position de neutrali-
té ». C’est sur cette toile de fond
qu’il a été décidé que M. Josselin,
sur le chemin de retour d’une
conférence au Gabon, s’arrêterait à
Abidjan.
Le gouvernement français assu-
mera son « devoir de responsabili-
té », affirme la même source auto-
risée. « Tout se fera dans la
transparence. On ne se laissera pas
instrumentaliser. Il y a d’autres fa-
çons de montrer que nous ne sommes
pas indifférents à l’Afrique que de re-
venir aux délices et poisons de l’inter-
ventionnisme néocolonial ou de nous
laisser aller aux tentations de l’ingé-
rence moderne ». La « nouvelle »
politique africaine de Paris était jus-
qu’alors une politique de prétéri-
tion, en fait d’absence d’action
même lorsque, en 1997, l’ex-capi-
tale de la France libre, Brazzaville,
était à feu et à sang. Elle trouvera
en Côte d’Ivoire son banc d’essai.
Stephen Smith
ANALYSE
Matignon affirme
sa prééminence
sur l’Elysée en matière
de politique africaine
Le président Laurent Gbagbo appelle
la Côte d’Ivoire à la réconciliation
« Nous ne referons pas d’élection présidentielle », a précisé le chef de l’Etat
Dans son discours prononcé lors d’une « journée
de commémoration », à la mémoire des victimes
des tueries post-électorales, le président ivoirien
Laurent Gbagbo, deux semaines après son in-
vestiture, a prôné l’union nationale. « La mort
n’a pas de parti », a-t-il notamment déclaré, tout
en critiquant, sans le nommer, l’ex-premier mi-
nistre Alassane Ouattara, qui a été conspué par
les partisans du chef de l’Etat.
ABIDJAN
de notre correspondante
La cérémonie organisée, jeudi
9 novembre, à la mémoire des vic-
times des violences qui ont suivi
l’élection présidentielle du 22 oc-
tobre se voulait l’un des actes sym-
boliques devant sceller la réconci-
liation entre les Ivoiriens. Mais les
huées qui ont accueilli Alassane
Ouattara à son entrée dans le
stade Houphouët-Boigny ont
montré à quel point cette réconci-
liation serait difficile. « Mossi de-
hors!», ont hurlé en chœur des
milliers de jeunes militants du
Front populaire ivoirien (FPI), par-
ti du président Laurent Gbagbo,
rappelant que, pour eux, le leader
du Rassemblement des républi-
cains (RDR), écarté de la course à
la présidence au motif que ses ori-
gines ivoiriennes seraient dou-
teuses, est un étranger, un Mossi,
ethnie majoritaire au Burkina Faso
voisin.
Quelques minutes plus tard, les
huées ont repris quand M. Gbag-
bo a salué la mémoire des victimes
des 24-26 octobre. C’est la date du
26 qui a provoqué l’ire des militants.
Ce jour-là, au lendemain de l’inves-
titure de M. Gbagbo, obtenue au
prix d’une mobilisation exception-
nelle de la population contre le gé-
néral Robert Gueï, autoproclamé
président, les militants du RDR
étaient dans la rue pour réclamer la
reprise du processus électoral. Les
jeunes du FPI n’ont visiblement pas
apprécié cet hommage. « Dans cette
tragédie, on ne saurait établir de dis-
crimination entre les victimes. La
mort n’a pas de parti, pas de religion,
elle n’est d’aucune région », a marte-
lé le nouveau chef de l’Etat.
Cependant dans son ensemble le
discours « d’unité nationale » de
M. Gbagbo fut assez sévère pour
M. Ouattara. « La folie qui a jeté les
jeunes dans la rue après la presta-
tion de serment est la même folie qui
a fait tirer sur les jeunes avant la
prestation de serment », a déclaré le
chef de l’Etat, sous-entendant que
M. Ouattara avait eu une attitude
aussi irresponsable que le général
Gueï. « Cessez vos idioties avant
qu’il ne soit trop tard », a lancé
M. Gbagbo aux « comploteurs »,
sans expliciter quels complots se
tramaient en Côte d’Ivoire ni qui
les fomentait.
PROMESSE DE TRANSPARENCE
Il s’est montré très ferme sur le
fait que la Constitution, qui
contient des conditions d’éligibilité
à la présidence taillées sur mesure
pour invalider M. Ouattara, ne se-
rait pas modifiée. « Ici en Côte
d’Ivoire, nous ne réécrirons pas la
Constitution et nous ne referons pas
d’élection présidentielle. Que cela
soit clair ! a-t-il lancé. Aux chefs
d’Etat que j’ai déjà rencontrés et à
ceux que je rencontrerai, je dis
“Laissez nous tranquilles”. »
Plusieurs chefs d’Etat africains et
occidentaux, qui avaient critiqué la
légitimité de l’élection présiden-
tielle, ont fini, au nom du réalisme
politique, par reconnaître le pré-
sident Gbagbo. Quant à l’enquête
sur les 171 morts, tombés entre le
24 et le 26 octobre, selon le bilan
officiel, elle se fera dans la trans-
parence, a promis M. Gbagbo.
« Dans le pardon, seule la vérité li-
bère », a-t-il dit. L’établissement de
la vérité sera long et difficile, et il
est fort probable que les enquêtes
n’aboutissent pas avant les législa-
tives du 10 décembre. De plus, le
rôle des forces de l’ordre, notam-
ment la gendarmerie, dans la ré-
pression contre les partisans du
RDR les 26-27 octobre, est déjà
très controversé. Alors que de très
nombreux témoignages mettent en
cause des éléments de la gendar-
merie, le quotidien du FPI, Notre
voie, a pris la défense des gen-
darmes, très tôt ralliés à la cause de
M. Gbagbo contre le général Gueï,
accusant la presse du RDR d’inter-
roger de « faux témoins ».
A la sortie de la cérémonie, les
militants du FPI, surchauffés, at-
tendaient de pied ferme M. Ouat-
tara, qui a dû quitter les lieux par
une porte annexe du stade. Same-
di, son parti organise une marche
en hommage aux défunts.
Fabienne Pompey
En Tunisie, scepticisme devant les réformes annoncées,
notamment, sur la liberté de la presse
DANS un discours prononcé à
l’occasion du 13
e
anniversaire de son
arrivée au pouvoir, le président Ben
Ali a annoncé, mardi 7 novembre,
une série de réformes relatives au
système pénitentiaire, à la liberté de
la presse et au pluralisme politique
en Tunisie.
La plus remarquée de ces mesures
concerne les prisons. La tutelle et
l’administration des établissements
pénitentiaires relèveront désormais
du ministère de la justice, et non
plus du ministère de l’intérieur. Le
projet de loi devrait, par ailleurs,
« organiser les conditions de séjour
dans les prisons, garantir les droits des
détenus et favoriser leur intégration
ultérieure dans la société ». En ma-
tière de presse, sera supprimée «la
mention d’incrimination pour diffa-
mation de l’ordre public, eu égard au
caractère flou de cette notion et à la
marge très large de son interpréta-
tion ». La peine d’emprisonnement
devrait également disparaître du
code de la presse.
En ce qui concerne la vie poli-
tique, le montant de la subvention
allouée aux partis de l’opposition lé-
gale et à leurs organes respectifs de-
vrait être doublé. Pas un mot, en re-
vanche, sur l’opposition modérée
non reconnue (Forum démocra-
tique, par exemple) ou sur les asso-
ciations dans l’attente depuis des an-
nées de leur légalisation – telles que
le Conseil national pour les libertés
en Tunisie (CNLT) ou Raid (Attac
Tunisie) – que le Palais de Carthage
paraît ignorer. Mais la mention dans
ce discours d’objectifs « assignés
pour l’échéance 2004 », autrement
dit, la prochaine élection présiden-
tielle, n’est pas passée inaperçue. La
Constitution actuelle interdit au chef
de l’Etat de solliciter un troisième
mandat, mais l’opposition est per-
suadée qu’une modification des tex-
tes permettra au président Ben Ali
de se présenter une nouvelle fois.
« MANŒUVRE DILATOIRE »
Si les médias tunisiens, en parti-
culier le journal La Presse, ont ap-
plaudi à ce « discours-programme »,
et l’ont qualifié d’« événement ma-
jeur à plus d’un titre », il est peu pro-
bable que la majorité de la popula-
tion partage ce sentiment. Les
principales figures de l’opposition
démocratique – qui se tournent vers
les médias étrangers à défaut d’avoir
accès aux médias nationaux –
semblent en tout cas très sceptiques.
« A quoi sert de changer des textes
quand on n’applique déjà pas ceux
qui existent ?, s’interroge un avocat.
Le problème n’est pas l’absence de lé-
gislation, mais son non-respect. » Tel
autre observateur déclare qu’il lui
paraît « incroyable que le président
Ben Ali réponde aux détenus actuelle-
ment en grève de la faim par une ma-
nœuvre spectaculaire mais dilatoire,
alors qu’ils attendent d’être jugés de-
puis deux ans, ce qu’interdit la législa-
tion tunisienne ! » Quant au transfert
de l’administration des établisse-
ments pénitentiaires au ministère de
la justice, ce serait « une très bonne
chose, si ce ministère n’était pas sous
la tutelle du ministère de l’intérieur »,
remarque un enseignant.
Pour l’artiste engagé Sadri Khiari,
ce discours est « l’expression d’une
sorte de statu quo évolutif, qui tien-
drait compte, à contrecœur, de l’évo-
lution actuelle des rapports de
forces ». Pour sa part, l’avocate Ra-
dhia Nasraoui souligne sans trop
d’illusions que, si le pouvoir a réelle-
ment l’intention d’amender le code
de la presse, ce serait une excellente
nouvelle pour son époux, l’opposant
pacifiste Hamma Hammami, plongé
dans la clandestinité depuis fé-
vrier 1998. « Dans ce cas, tous les mo-
tifs pour lesquels mon mari a été
condamné tomberaient, souligne-t-
elle. Je serais donc en droit d’imaginer
qu’il est libre de ses mouvements et
qu’on ne lui reproche plus rien ! »
Florence Beaugé
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