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4 / LE MONDE / SAMEDI 11 NOVEMBRE 2000 INTERNATIONAL
L’Union européenne soutient le gouvernement
« 70 % des Slovaques sont favorables à l’adhésion à l’UE », se félicite
un diplomate occidental qui regrette la « guérilla permanente » de
l’opposition contre le pouvoir. Les sondages montrent que la popu-
lation est reconnaissante au gouvernement d’avoir sorti le pays de
l’isolement international où l’avaient plongé les entorses à la démo-
cratie de M. Meciar. Hier « trou noir au centre de l’Europe », selon
l’expression de la secrétaire d’Etat américaine, Madeleine Albright,
Bratislava est aujourd’hui une destination privilégiée des dirigeants
occidentaux. A l’instar de Gerhard Schröder, venu fin octobre, tous
ont apporté ces dernières semaines leur soutien à l’équipe au pou-
voir, d’aucuns lançant des avertissements à peine voilés, tel ce dépu-
té du Parlement européen qui a déclaré que « M. Meciar n’est pas un
partenaire pour l’Europe ». – (Corresp.)
Hausse des prix, chômage : les Slovaques supportent mal l’austérité
BRATISLAVA
de notre envoyé spécial
« C’est de pire en pire : les prix ne
font qu’augmenter, les salaires ne
suivent pas et les chômeurs sont
chaque mois plus nombreux. » A la
veille d’un référendum convoqué,
samedi 11 novembre, pour décider
ou non de la tenue de législatives
anticipées, le chauffeur de taxi et
nombre de ses compatriotes
plongent le visiteur dans la moro-
sité ambiante. « La Slovaquie est
sur une mauvaise pente, dit-il. Tous
les politiciens sont corrompus. Ils
ont volé tout ce qu’il y avait à
prendre et il n’y a plus rien pour re-
démarrer. » Serait-ce l’opinion
d’un nostalgique du leader natio-
nal-populiste Vladimir Meciar, qui
a dirigé le pays entre 1992 et 1998,
ou du communisme renversé il y a
onze ans ?
Ni l’un ni l’autre. Cet homme a
l’humeur aussi chagrine que tel
propriétaire d’une petite pension
au bord du Danube, telle journa-
liste au chômage ou encore cet
étudiant qui souhaite partir «à
l’Ouest ». Qu’ils soient partisans
ou adversaires de la coalition de
centre droit au pouvoir, la poli-
tique d’austérité, comme la
hausse des prix, affectent leur
moral.
Et la presse ne les aide pas à
surmonter leur sinistrose : il n’y
est question que de fermetures
d’entreprises, d’affaires politico-
financières, de malversations,
d’enrichissement personnel, avec
pour motto « tous les politiciens
sont pourris », soupire un journa-
liste. Même Ivan Lescak, un des
pionniers d’Internet en Slovaquie,
devenu directeur technique d’Eu-
roweb Slovakia, second provider
du pays, a le spleen. « Le pays
manque d’une stratégie claire. Les
changements sont lents, regrette-t-
il. le pouvoir d’achat des ménages
est vraiment faible. C’est pourquoi
nous concentrons nos activités en
direction des entreprises. » Le sa-
laire moyen slovaque (270 euros)
est d’un quart inférieur au revenu
standard tchèque (350 euros),
alors que les prix sont supérieurs
d’environ 20 % à ceux pratiqués
dans le pays voisin.
« PAS D’ALTERNATIVE VIABLE »
« Le gouvernement de Mikulas
Dzurinda est impopulaire, mais pas
au point de faire voter en faveur
d’élections anticipées », tempère le
sociologue Meseznikov. « Le refus
d’un retour de Vladimir Meciar, qui
a initié ce référendum en réunis-
sant 700 000 signatures, est plus
fort », précise-t-il. « Les gens ne
voient pas d’alternative viable à la
coalition actuelle, pas même dans
Robert Fico », l’étoile montante de
la scène politique slovaque ; son
parti (Smer) totalise 15 % des in-
tentions de vote. A trente-six ans,
cet ancien député de la Gauche
démocratique (SDL, postcommu-
niste) tient le discours que les dé-
çus du changement de 1998 ont
envie d’entendre : « Meciar ou
Dzurinda, c’est incompétence, cor-
ruption et clientélisme. »
Pour M. Meseznikov, « il y a ce-
pendant des raisons d’être opti-
miste ». La Slovaquie vient de re-
joindre l’OCDE (Organisation
pour la coopération et le dévelop-
pement économique), comble son
retard dans le processus d’inté-
gration à l’Union européenne, les
réformes progressent et les insti-
tutions démocratiques fonc-
tionnent, précise le sociologue.
Même les indicateurs écono-
miques montrent une inversion
de tendance. Le chômage a connu
un léger recul, même s’il touche
encore environ 18 % de la popula-
tion active, l’inflation fléchit, le
déficit budgétaire se résorbe et les
investissements étrangers sont en
hausse, insuffisante cependant
pour favoriser une reprise écono-
mique.
L’Union européenne, confiante
dans le résultat du référendum,
qui ne devrait pas attirer les 50 %
d’électeurs inscrits nécessaires
pour sa validation, espère que,
cette hypothèque sur la stabilité
politique levée, le gouvernement
relancera le rythme des réformes,
ralenti depuis l’été.
Martin Plichta
Les Quinze favorisent
la mobilité dans l’enseignement
BRUXELLES
de notre bureau européen
« On ne peut pas déplorer dans
chaque discours les méfaits de la
mondialisation si l’on demeure inca-
pable d’opposer à celle-ci un modèle
culturel européen. » A Bruxelles,
jeudi 9 novembre, Jack Lang, le mi-
nistre de l’éducation, tient un dis-
cours offensif et marque des
points. Sous la présidence fran-
çaise, les Quinze ont adopté à
l’unanimité deux textes visant à dé-
velopper la mobilité des étudiants
et des enseignements au sein de
l’Union européenne (UE). Il s’agit
de donner de l’ampleur aux pro-
grammes actuels Socrates, Leonar-
do et autres. « Notre objectif est de
doubler les étudiants qui sont
concernés par la mobilité. Il n’est pas
normal que chacun d’entre eux n’ait
pas la chance d’aller passer six mois
ou un an de sa vie dans un autre
pays de l’Union », explique M. Lang.
Le premier document, une « re-
commandation », invite les gouver-
nements à pleinement appliquer
les dispositions du traité sur la libre
circulation des personnes et à écar-
ter les obstacles encore nombreux
à la mobilité transnationale que
rencontrent encore les étudiants,
les enseignants, les personnes en
formation et les jeunes « volon-
taires européens ». Ces obstacles
administratifs sont liés aux presta-
tions sociales et à la réglementa-
tion fiscale. Comme l’a souligné la
commissaire Viviane Redding, ce
type de questions relève d’autres
administrations, notamment celles
des finances, qui n’apprécient que
moyennement la pression ainsi
exercée par les ministres de l’édu-
cation.
Les dernières réserves (Grèce,
Pays-Bas, Royaume-Uni) avaient
pu être levées lors du travail prépa-
ratoire, notamment à l’occasion
d’un conseil informel, fin sep-
tembre, à Paris. Pour compléter la
« recommandation » et lui donner
le plus vite possible un tour
concret, les Quinze ont adopté, sur
l’initiative de la France, un «plan
d’action pour la mobilité ». Le
« PAM » est présenté comme une
« boîte à outils » proposant 42 me-
sures sous quatre grandes ru-
briques : favoriser la mobilité en
Europe ; favoriser son finance-
ment, notamment par des partena-
riats public-privé ; l’accroître et
l’améliorer ; valoriser les périodes
de mobilité. L’idée est que les auto-
rités nationales choisissent libre-
ment dans ce catalogue les me-
sures qu’elles jugent les plus
appropriées et que tous les deux
ans les Quinze fassent le point sur
les progrès réalisés. Le « paquet
mobilité » (la recommandation et
le PAM) devrait être approuvé par
les chefs d’Etat et de gouverne-
ment, à Nice, début décembre.
Philippe Lemaître
Le Kremlin embarrassé par les relents d’antisémitisme en province
MOSCOU
de notre correspondant
« Ici, le président et moi sommes des alliés. Vla-
dimir Vladimirovitch [Poutine] est un Russe. Et moi
aussi. Alors que Routskoï, si quelqu’un l’ignore, a
une mère juive, Zinaïda Iossifovna. » Alexandre
Mikhaïlov célèbre sa victoire par de fortes dia-
tribes antisémites. Le 5 novembre, ce député à la
Douma a été élu gouverneur de l’oblast de
Koursk. Sa cible, Alexandre Routskoï, ancien gé-
néral d’Afghanistan, vice-président de Boris Elt-
sine en 1991 avant de prendre le parti du Parle-
ment insurgé en 1993, dirigeait depuis quatre ans
cette puissante région au sud de Moscou.
Le 9 novembre, dans un entretien au journal
Kommersant, M. Mikhaïlov a décrit à sa façon
l’envers de la politique régionale russe. « Vous sa-
vez ce qu’est le Vek, le Congrès juif russe ? de-
mande-t-il. Nous avions à faire non seulement à
une personne, mais à une organisation. Derrière
Routskoï se tenait Berezovski, et nous avons ga-
gné. » Oligarque haï du pays, Boris Berezovski
est juif, tout comme Vladimir Goussinski, pré-
sident du Congrès juif russe. Les deux hommes
sont en conflit ouvert avec le Kremlin.
Le communiste Mikhaïlov considère sa victoire
comme « symptomatique ». « La Russie
commence à se libérer de toute cette ordure qui
s’est amoncelée en dix ans. (...) Koursk a servi de
ballon d’essai pour toute une série de choses », re-
vendique-t-il. Ces déclarations embarrassent le
Kremlin, qui a décidé de s’impliquer dans les
élections régionales pour imposer « ses » candi-
dats.
L’objectif premier du Kremlin était de se dé-
barrasser d’Alexandre Routskoï. Pour cela, il en-
voya dans la bataille électorale Victor Sourjikov,
représentant présidentiel dans l’oblast et ancien
chef du FSB (ex-KGB) de la région de Volgograd.
M. Sourjikov fit en sorte que, douze heures avant
l’ouverture du scrutin, le tribunal régional décide
de rayer la candidature du gouverneur sortant.
M. Routskoï dénonça « un complot fomenté di-
rectement au Kremlin ».
M. Mikhaïlov ne s’est pas caché du soutien de
Moscou : « Vladimir Vladimirovitch m’a envoyé à
deux reprises son représentant personnel, une
femme, qui est sa psychologue personnelle et qui a
joué dans son équipe un rôle clé. » Jeudi, une
« haute source au Kremlin », citée par Interfax,
qualifiait de « non-sens » les déclarations du nou-
veau gouverneur. Pas celles ouvertement antisé-
mites, mais celles relatives à la venue de cette
« psychologue personnelle », dont l’existence est
niée. Concernant la décoration de son bureau, le
nouveau gouverneur a indiqué : « Il y aura un
portrait de Lénine, bien évidemment, et un autre
de Poutine. »
François Bonnet
« Milosevic est politiquement mort », selon M. Kostunica
Slobodan Milosevic est « politiquement mort » et se trouve actuel-
lement « dans une sorte de prison qu’il s’est imposée à lui-même et
donc il est très peu libre », a déclaré le président yougoslave, Vojislav
Kostunica, à l’issue d’une visite au siège du Conseil de l’Europe, où il
a présenté officiellement la candidature de son pays. Milosevic «se
trouve dans sa maison à Belgrade (...), il ne peut pas influer sur les évé-
nements en Yougoslavie [car] il n’a plus d’influence dans son propre
parti », a-t-il précisé, sans dire de quel type de protection bénéficie
Slobodan Milosevic. L’un des principaux responsables de l’ancienne
opposition, Zoran Djindjic, avait déclaré, début novembre, que Slo-
bodan Milosevic se trouvait sous protection policière minimum.
« Nous avons opté pour une solution consistant à mettre à la disposi-
tion de Milosevic un bâtiment surveillé, ce qui permet de protéger son
existence pendant la phase que nous traversons », avait expliqué
M. Djindjic. – (AFP.)
La manifestation de Berlin
contre le racisme
suivie massivement
200 000 manifestants ont défilé
BERLIN
de notre correspondant
Soupir de soulagement en Alle-
magne. L’appel à « la révolte des
honnêtes gens », lancée début octo-
bre par le chancelier Gerhard
Schröder, au lendemain de l’atten-
tat contre la synagogue de Düssel-
dorf, a été entendu. Quelque
200 000 Berlinois sont descendus
dans la rue pour manifester contre
l’extrême-droite, jeudi 9 novembre,
jour anniversaire de la chute du
Mur, en 1989, mais aussi de la Nuit
de cristal, lorsque, en 1938, les sy-
nagogues furent incendiées et les
juifs d’Allemagne victimes de po-
groms. Prudents, les organisateurs
avaient annoncé la venue de
30 000 personnes, alors que la po-
lice s’attendait à 100 000 manifes-
tants.
Le pays a en fait retrouvé la mo-
bilisation qu’il avait connue au dé-
but des années 90, lors de la flam-
bée de violence raciste qui a suivi la
réunification. Son apathie finissait
par inquiéter Michel Friedman,
vice-président du conseil central
des juifs en Allemagne. Il y a quel-
ques semaines, il avait reproché
aux Allemands de descendre plus
nombreux dans la rue pour «dé-
fendre la dignité des pitbulls que la
dignité des hommes », alors qu’une
centaine de personnes ont été vic-
times de l’extrême-droite depuis la
réunification.
DE TOUS HORIZONS
A Berlin, ils sont venus nom-
breux, ouvriers ou cadres, jeunes
ou vieux, hommes et femmes, pour
une marche silencieuse à la tombée
de la nuit. « C’est dégueulasse, la
manière dont on traite les étrangers
dans ce pays », explique un lycéen.
Mais ce qui revient sans cesse dans
la bouche des manifestants et les
affiches, ce sont les fantômes du
passé. « Si on avait réagi ainsi dès
1933, on n’aurait peut-être pas eu
cette guerre effrayante. Car, au tout
début, les choses n’étaient pas si hor-
ribles que cela », explique un sexa-
génaire, tandis qu’un syndicaliste
de la métallurgie estime : « Ce qui
se passe n’est peut-être pas compa-
rable avec 1933, mais c’est suffisam-
ment effrayant pour se mobiliser. »
Certes, les autres pays connaissent
des agressions racistes. Mais l’Alle-
magne reste à part. « Chez nous, il y
en a qui disent que c’est un pro-
blème génétique », lâche une mère
de famille, qui n’a manifesté qu’à
deux reprises dans sa vie. « Je ne
suis pas là à cause du passé, on ne
peut plus rien y changer, on doit le
supporter. Je suis là à cause du
présent », explique-t-elle.
Toute la classe politique alle-
mande a participé à cette marche
silencieuse, y compris le très
conservateur ministre-président de
Bavière, Edmund Stoiber, qui a es-
suyé quelques sifflets. Une mani-
festante dénonce la duplicité de la
classe politique. « D’un côté, ils ap-
pellent à manifester, de l’autre, ils
veulent réduire le droit d’asile. »
A la tribune, devant la porte de
Brandebourg, le président du
conseil central des juifs en Alle-
magne, Paul Spiegel, s’en prend lui
aussi à la classe politique : « A quoi
cela sert-il d’avoir une session spé-
ciale du Bundestag au lendemain
des attentats des synagogues de Düs-
seldorf et Berlin pour condamner
l’antisémitisme dans de beaux dis-
cours si, le lendemain, les hommes
politiques choisissent des paroles qui
peuvent être mal interprétées ? » Et
de condamner le concept de Leit-
kultur, de culture de référence, à la-
quelle les étrangers devraient
s’adapter, selon Friedrich Merz,
président du groupe parlementaire
chrétien-démocrate (CDU). « Est-
ce que cela fait partie de la Leitkul-
tur allemande de faire la chasse aux
étrangers, d’incendier les syna-
gogues, de tuer les sans-abri ? », a
demandé M. Spiegel. « Réfléchissez
à ce que vous dites et cessez d’avoir
des paroles incendiaires », a exigé
M. Spiegel des hommes politiques.
Le président de la République,
Johannes Rau, qui était, avec
M. Spiegel, le seul orateur de la soi-
rée, a qualifié de « honte pour notre
pays » les agressions racistes et an-
tisémites des derniers mois, expli-
quant que « chaque attentat contre
une synagogue, chaque attentat
contre une institution juive est un at-
tentat contre nous tous. Le 9 no-
vembre 1938, l’incendie de la barba-
rie avait été allumé par l’Etat. Cette
fois, la barbarie a l’Etat contre elle »,
a assuré M. Rau. La manifestation
s’est achevée dans le recueillement,
sur la Cinquième Symphonie de
Beethoven, dirigée par Daniel Ba-
renboïm, directeur musical de
l’opéra de Berlin Staatsoper. Sym-
phonie qui va de l’obscurité vers la
lumière, selon M. Barenboïm. Le
chef d’orchestre, d’origine argen-
tine et de nationalité israélienne, a
eu le mot de la fin, en expliquant à
une foule un peu interloquée pour-
quoi il avait voulu être présent ce
soir : « Je ne suis pas allemand, mais
je suis berlinois. »
Arnaud Leparmentier
Le contrôle sur les services secrets serbes
provoque des tensions au sein du gouvernement
Le nouveau pouvoir réclame la démission du chef de la Sécurité d’Etat
Les partisans de Slobodan Milosevic, encore pré-
sents au gouvernement serbe en vertu d’un ac-
cord devant durer jusqu’aux élections législatives
anticipées du 23 décembre, refusent d’accéder à
une demande réitérée des réformateurs : le limo-
geage de Rade Markovic, le chef des services se-
crets, soupçonné d’avoir trempé dans plusieurs
meurtres et enlèvements politiques. Depuis une
semaine, l’affaire paralyse le gouvernement.
LE CONTRÔLE de la Sécurité
d’Etat (SDB, services secrets),
toujours dirigée par un proche de
Slobodan Milosevic, Rade Marko-
vic, paralyse, depuis une semaine,
le fonctionnement du gouverne-
ment serbe de transition asso-
ciant les réformateurs de Vojislav
Kostunica aux alliés de l’ancien
président yougoslave. Le nouveau
pouvoir réclame en vain la démis-
sion de Rade Markovic, soup-
çonné d’avoir joué un rôle de pre-
mier plan dans plusieurs meurtres
ou enlèvements politiques au
cours de ces derniers mois.
Mercredi 8 novembre, un des
co-ministres de l’intérieur du
gouvernement de transition, en
place depuis le 24 octobre et jus-
qu’aux élections législatives
serbes anticipées du 23 décembre,
a porté plainte contre Rade Mar-
kovic. Stevan Nikcevic, ministre
issu du Mouvement serbe du re-
nouveau (SPO), proche de Vojis-
lav Kostunica, l’accuse « de mettre
en danger la sécurité publique par
des menaces contre des membres
du gouvernement ». Selon le quo-
tidien Blic, M. Markovic «a me-
nacé les trois co-ministres de l’inté-
rieur après qu’ils eurent réclamé sa
démission et une information sur
l’implication de son service » dans
le meurtre de Slavko Curuvja, un
célèbre journaliste, assassiné
en avril 1999.
L’ancienne opposition a ouvert
ce chapitre judiciaire après le re-
fus des socialistes (SPS) de Slobo-
dan Milosevic d’accepter le limo-
geage du chef des services
secrets. Début novembre pour-
tant, les co-ministres du SPS
avaient rapidement lâché les deux
principaux magistrats du pays im-
pliqués dans les fraudes électo-
rales du 24 septembre. Le pré-
sident de la Cour suprême, Bala
Govedarica, et le procureur géné-
ral, Dragisa Krsmanovic, ont ainsi
démissionné de leurs fonctions à
la demande de l’Opposition dé-
mocratique serbe (ODS).
Le cas de M. Markovic s’avère
autrement plus ardu. Un autre co-
ministre de l’intérieur, Bozo Pre-
levic (ODS), théoriquement char-
gé des services secrets, a notam-
ment reconnu n’avoir « aucun
pouvoir » pour empêcher la Sé-
curité d’Etat de détruire des dos-
siers importants. « Je suis respon-
sable de la SDB, mais je ne suis pas
autorisé à remplacer les généraux
de la police », a déploré M. Prele-
vic. Conformément à l’accord
entre l’ancien pouvoir et la nou-
velle équipe, les décisions au sein
des ministères du gouvernement
de transition doivent être approu-
vées par les trois co-ministres.
Devant le refus des socialistes
d’abandonner le contrôle du SDB,
les représentants de l’ODS et du
SPO menacent donc de démis-
sionner et refusent de se réunir,
bloquant ainsi le fonctionnement
du gouvernement de transition.
Selon Zoran Djindjic, l’un des
leaders de l’ODS, M. Markovic
« se trouve à un poste très délicat et
dans un service qui, par la nature
des choses, provoque différentes
sortes de spéculations sur les par-
ties les plus laides de notre his-
toire ». « Nous avons vécu dans un
pays où l’Etat et les mafias étaient
liés, où des meurtres politiques ont
eu lieu. Il est naturel que les ser-
vices secrets soient le nœud de
toutes ces affaires », a-t-il ajouté.
Outre le cas de Slavko Curuvja,
la SDB est accusée par des orga-
nisations de droits de l’homme et
plusieurs partis d’être mêlée à la
disparition, le 25 août, d’un an-
cien président de Serbie, Ivan
Stambolic, alors qu’il effectuait
son jogging dans un parc de Bel-
grade. L’avocat de Stambolic, Ni-
kola Barovic, a estimé que l’atti-
tude de M. Markovic sur ce
dossier était « inappropriée et cy-
nique », et laissait entendre qu’il
n’est pas étranger à un enlève-
ment de l’ancien président, délo-
gé de son fauteuil, en 1987, par
Milosevic. Vuk Draskovic, le chef
charismatique du SPO, a aussi ac-
cusé Markovic d’avoir « organisé
l’accident » de la circulation qui,
le 3 octobre 1999 , avait provoqué
la mort de quatre officiels du
SPO.
La crise ouverte par le sort de
Rade Markovic a également écla-
boussé le président Kostunica,
critiqué par certains de ses parte-
naires politiques qui
comprennent mal sa volonté de
ne pas hâter les limogeages au
sein de l’armée et de la police.
« Des limogeages hâtifs de per-
sonnes à la direction de la police
(serbe) et de l’armée sont sans au-
cun doute contraires aux intérêts
de l’Etat, car ils mèneraient inévi-
tablement à la déstabilisation des
institutions », avait estimé M. Kos-
tunica.
Christophe Châtelot
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